Date de publication originale : 18 novembre 2023

Introduction à l’étude des comportements de bioturbation et d’alimentation des vers de terre

Poursuivons la comparaison des comportements de bioturbation et d’alimentation des 50 espèces étudiées par Capowiez et ses collègues, présentée dans leur publication récente.
Les systèmes de galeries de vers de terre ont été caractérisés en calculant le nombre de macropores (ensembles de galeries continues), le volume des galeries, le barycentre vertical du système de galeries (moyenne du centre de masse vertical de chaque macropore prenant en compte leur volume respectif), le diamètre médian et la continuité verticale du système de galeries (calculée comme le nombre de macropores dont l’extension verticale était supérieure à 9 cm). Les cylindres de sol ont été photographiés par tomographie à rayons X à l’aide d’un scanner médical.

Méthodologie d’alimentation et de bioturbation

Chaque ver a reçu chaque semaine 4 g de fumier de cheval séché en surface.
Examinons trois groupes, les tunneliers intenses, les occupants du terrier et les vers qui vivent dans la litière. Les premiers sont analogues à la catégorie écologique des anéciques de Bouché (revus récemment par Bottinelli et al, 2021) et les seconds de type épi-anécique. Deux définitions d’anécique sont données par Bouché : élastique ou actif vers le haut. Les troisièmes, les épigés, vivent dans la litière et entrent rarement dans le sol. Capowiez et ses collègues les nomment vers de litière.

classification 1

  1. Tunneliers intenses (ci-dessus)
    Tunneliers intenses : très gros vers de terre pigmentés ayant une activité de surface importante (alimentation et dépôt de déjections) et réalisant des systèmes de galeries étendus (sans trajet vertical préférentiel). Un lien peut être fait avec les anéciques. Ils déposent leurs déjections surtout en surface et gardent leurs galeries dégagées. Les espèces étudiées dans le présent essai ne sont pas présentes au Québec.
  2. Fouisseurs ou vers à terrier (ci-dessous)
    Fouisseurs ou vers à terrier : gros vers de terre pigmentés ayant une activité de surface importante (alimentation et dépôt des déjections ou turricules) et réalisant un nombre limité de véritables terriers où ils s’installent de façon stable (avec une activité plus élevée près de la surface). Un lien peut être fait avec les épi-anéciques; ils créent sur l’ouverture des galeries des resseres (Bouché), un amas de débris organiques, de déjections et parfois de graviers atteignant 2 cm de diamètre. Leurs terriers sont permanents, souvent subdivisés dans le haut avec deux sorties. Ces vers peuvent vivre plusieurs années et leurs galeries peuvent être récupérées après leur mort. Aporrectodea longa (plus rares) et Lumbricus terrestris (le grand lombric très commun) sont présents au Québec. Il est surprenant de retrouver dans cette catégorie Aporrectodea tuberculata et le groupe A. caliginosa (qui regroupe chez nous A. turgida et A. trapezoides), peu pigmentés, classés comme endogés, bien que dans mes observations je les trouve souvent sous des annexes des sols (objets en surface) ou dans les amas formés sur les galeries des L. terrestris.

classification 2

  1. Habitants de la litière ou vers de litière (ci-dessous)
    Habitants de la litière ou vers de litière : petits vers de terre pigmentés ayant une très forte activité de surface et creusant quelques galeries peu profondes dans le sol, les épigés de Bouché. Ils s’alimentent dans la même zone que le groupe précédent mais avec un comportement de fouissage complètement opposé. Ils entrent surtout dans le sol si les conditions en surface deviennent inappropriées : trop sec, présence de prédateur, etc. Au Québec on a le Lumbricus rubellus. L. castaneus et Eisenia fetida, ce dernier étant retrouvé presque partout dans le monde dans les fumiers et les composts, et utilisé pour le lombricompostage. Chez nous L. rubellus est parfois classé épi-endogé.

 

classification 3

Tout ceci soulève beaucoup de questions et demande à être validé ailleurs dans le monde. Le comportement d’une espèce peut varier d’un endroit à l’autre. Une implication des citoyens et agriculteurs pourrait appuyer les travaux des scientifiques.

Références :
Capowiez, Y., D. Marchan, T. Decaëns, M. Hedde, N. Bottinelli, 2023, Let earthworms be functional – Definition of new functional groups based on their bioturbation behavior., Soil Biology and Biochemistry 188 (2024) 109209

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