Date de publication originale : 16 septembre 2023
Méthode de terreau de feuilles et décomposition des feuilles
On sait que dans une forêt d’arbres caducs à pH modéré où il y a des vers de terre, les feuilles peuvent être décomposées très rapidement. Les Anglais ont développé la méthode de terreau de feuilles (leaf mold) que Marie-Victorin utilisait au jardin botanique pour les terreaux de culture (avant la mousse de tourbe). Elle consiste à empiler des feuilles bien mouillées et laisser les champignons décomposer ça sur deux ans. Au CETAB, nous avons fait des travaux ces dernières années et constaté que le compostage, avec ajout d’azote, nous donnait un matériau utilisable après 5 mois. Avec un rapport C/N moyen de 60, la décomposition sans azote prend plutôt deux ans. Voir les publications.
Expériences sur l’ajout de vers de terre et leurs effets sur la décomposition
Des essais préliminaires avaient été réalisés, entre autres en plaçant de petites quantités dans de gros pots sous un toit qui maintenait le tout bien mouillé et je continue ces petits essais à domicile. Je me suis posé la question : alors que des feuilles à C/N plutôt élevé disparaissent vite en forêt, si on insère des vers de terre dans ces pots, pourraient-ils accélérer la décomposition? Pourrait-on transformer ça en lombricompostage même si celui-ci exige un rapport C/N beaucoup plus bas.
Observations sur l’évolution des vers dans les pots
J’ai mis des vers du jardin en début d’été 2023 dans les pots, avec des feuilles de l’automne 2021 et 2022, y compris des dizaines d’Esenia fetida et d’E. andrei utilisés pour le lombricompostage, et souvent qualifiés de vers à compost. Les feuilles de 2e année ont fini d’évoluer, avec des aiguilles de conifères résistantes; il y reste des vers, mais peu abondants. Les feuilles de première année ont avancé aussi. Mais je n’ai jamais réussi à déclencher le genre de prolifération d’épigés que j’observe dans mon compost de jardin, où j’ajoute notamment des engrais verts de légumineuses à C/N bas, la poubelle organique de la maison et les déchets du jardin assez riches. Les vers à compost se reproduisent massivement si la nourriture leur convient. Je pense qu’une partie des vers ajoutés se sont échappés par les trous du fond des pots, notamment les vers à compost, car ils sont présents, mais moins abondants que les ajouts effectués. La présence de vers ne donnera pas un terreau décomposé à la fin de la 1e année. Le matériau de 1e année est encore peu uniforme et la structure des feuilles y est encore bien visible. Il faudrait voir avec un ajout d’azote si le comportement changerait, mais les épigés en lombricompostage ne tolèrent pas le N ammoniacal.
Évolution des vers et observations à la fin de l’été 2023
Visité les pots il y a deux jours, deux semaines après la précédente rédaction. Une quantité assez abondante de vers d’espèces variées, dans les feuilles d’un an, y compris des vers qui consomment normalement de la terre, alors que les pots ne contiennent que des feuilles et un peu d’aiguilles de pins. Donc même si dans le sol, ils mangent des matières organiques en alternance avec de la terre minérale, ils s’accommodent bien d’une litière exempte de sol comme des épigés, alors qu’il est évident qu’il y a des endogés et quelques grands lombrics. Les deux Esenia sont toujours présents, mais sans proliférer. Eux préfèrent des températures > 20 °C, alors que les vers de terre aiment mieux < 20 °C. En principe, avec les gros froids tout devrait arrêter, mais en ce moment la température est excellente pour les vers. Je les rentrerai peut-être dans la cave, juste pour voir s’ils continuent ou se mettent au repos pour l’hiver, comme à l’extérieur.
Observations supplémentaires et résultats des essais dans la cave
La première photo (environ 20 août 2023) montre le terreau de deuxième année avec présence accidentelle d’un peu de ripe de bois fraîche. Il y a eu plus de vers en début d’été et moins en fin d’été. La photo composite montre des feuilles de 1e année avec une quantité modérée de vers, une décomposition plus active à proximité de ceux-ci et des feuilles moins évoluées sans vers.
Il y a deux ans, j’ai mis un seau de terre de jardin dans la cave tout l’hiver à environ 20° C sans observer d’accroissement de la population de vers malgré une abondante nourriture en surface.
Denis La France
Expert et enseignant en agriculture biologique
