De nombreux chercheurs disent que c’est dans les sols qui en auraient le plus besoin que les vers ont le plus de difficulté à faire leur travail.
Une équipe de chercheurs a comparé en Suisse le comportement de deux espèces non-présentes chez nous, dans un Luvisol (loam limoneux) (présents dans l’Ouest du Québec et le Sud de l’Ontario) et un Anthrosol loameux (fortement modifié par les humains) dans un essai de laboratoire dans des mésocosmes de 30 x 15 cm. Ils ont ajusté la densité spécifique pour des variantes meubles typiques de ce qu’on voit au champ, et des traitements compacts : pour l’Anthrosol à 1,15 et et 1,4 g/cm3 respectivement, et pour les Luvisols à 1,25 et 1,5 g/cm3. Aération, température et humidité ont été contrôlés.
Pour étudier leur comportement et leur effet sur les sols, on a ajouté Nicodrilus nocturnus (synonyme Aporrectodea nocturna), un anécique, et Allolobophora icterica, un endogé, ou une combinaison des deux espèces. Ces espèces ne sont pas présentes au Québec.
Les quantités de vers ajoutées aux mésocosmes sont très élevées, équivalent à presque 5 t/ha, niveaux rarement atteints en sols agricoles, mais observés en prairies et pâturages recevant une abondance de fumier. Du foin a été placé en surface pour alimenter les vers. L’essai a duré 23 semaines.
Les images reconstituées au moyen de la tomographie démontrent que les vers creusaient beaucoup plus de galeries dans les sols non-compacts, mais ils amélioraient quand même la porosité des sols compacts. Mais malgré le développement de macropores, on observait certains effets négatifs sur la structure. Par exemple, certains vers creusent en tassant le sol de côté ce qui augmente la densité du sol voisin des galeries. L’analyse des résultats est nuancée et complexe, allez lire le papier. Les chercheurs concluent que dans un sol naturel, il y a des plantes, des racines, des mycorhizes et qu’on observe des résultats différents de ce qu’on obtient avec des vers seuls dans un mésocosme de laboratoire.
Notez que c’est dans les Luvisols entre Toronto et Windsor qu’on récolte des millions de Lumbricus terrestris par année sur des fermes laitières, pour la pêche. Je vous parlerai de ça un jour…
Ophélie Sauzet, Roxane Kohler-Milleret, François Füllemann, Yvan Capowiez, Pascal Boivin , 2021, Nicodrilus nocturnus and Allolobophora icterica drill compacted soils but do not decrease their bulk density – A laboratory experiment using two contrasted soils at two different compaction levels , Geoderma 402 (2021) 115164
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