
Date de publication originale : 8 juillet 2023
En Allemagne, au Danemark, de nombreux chercheurs ont fait des travaux intéressants sur racines et vers de terre. C’est un peu l’œuf ou la poule. Les racines attirent les vers qui créent des biopores qui facilitent l’enracinement ultérieur? Ou les galeries des vers facilitent le développement en profondeur des systèmes racinaires augmentant l’accès aux nutriments et à l’eau et laissant des matières organiques en profondeur qui attirent les vers qui laissent des macropores?
Cette évolution permet d’améliorer le drainage, la décompaction du sous-sol, la capacité d’adaptation de l’écosystème du sol face aux stress. Il y a des ressources pour les racines dans le sous-sol : nutriments et nutriments lessivés à récupérer, réserves d’eau en périodes sèches.
En 1893 Schulz-Lupitz avait démontré qu’un précédent de lupin avec enracinement profond augmentait le développement racinaire des pommes de terre subséquentes qui donnaient de meilleurs rendements.
Malheureusement étudier le sol en profondeur est très laborieux, donc très coûteux, ce qui fait que presque toute la recherche se concentre sur le sol de surface, ou au tout début des horizons du sous-sol. Notamment, toute la question de la séquestration du carbone est biaisée à cause de cette négligence de la part des chercheurs. Quand on parle des variations des matières organiques, on se limite habituellement à l’horizon A.
Heureusement pas mal de gens ont travaillé sur cette question depuis au moins 15 ans, par exemple Ulrick Köpke de Bonn, Thorup-Kristensen un danois, Eusun Han, mais aussi Alain Pierret au Laos qui observe à très grande profondeur. Au Québec Marie-Noelle Thivierge et Vincent Poirier étudient ces questions. L’hiver dernier, on eu le grand plaisir de recevoir au CETAB+ Miriam Athmann de l’Université de Kassel pour présenter ses travaux, amenée par Caroline Halde de l’Université Laval.
L’Université de Kassel a été, à ma compréhension, la première université européenne avec un programme de recherche et de formation dans un département dédié exclusivement à l’agriculture biologique, fondé par Hardy Vogtmann, initiateur avec J.-M. Besson des essais DOK du FIBL en Suisse. En 2004, nous avons visité leur ferme de recherche et de culture bio de Frankenhausen avec un groupe d’agriculteurs et d’intervenants, dont Caroline Halde, étudiante, et nous avions été reçus par Peter von Fragstein. Miriam Athmann a pris la relève de ces deux professeurs. Elle a commencé à Bonn et continue à Kassel à étudier l’effet des racines profondes et des vers de terre sur l’évolution des sols en profondeur, notamment via la création de biopores. Comme beaucoup de sols allemands, ceux de leur ferme sont constitués de loess. On en trouve aussi dans l’Ouest canadien; les sédiments de loess du bassin du fleuve jaune en Chine lui ont donné son nom. Le loess est un dépôt éolien profond déposé en période de retrait des glaciers et donne des sols de qualité.
Un essai-phare a consisté à cultiver trois plantes à enracinement profond, la luzerne, la chicorée fourragère et la fétuque élevée dans un milieu où Lumbricus terrestris est présent et à observer l’apparition de biopores issues de l’action conjuguée des deux facteurs, et l’effet sur les cultures subséquentes. Ils ont étudié, entre autres, si les racines se contentaient d'occuper les biopores du sous-sol ou colonisaient le sol voisin à partir de celles-ci. Une illustration montre la profondeur des racines d’orge d’hiver dans cette situation. Dans un essai avec des isotopes de 15N (azote marqué et retraçable dans la plante) on a observé que 32% de l’azote des plants de blé provenait de la drilosphère (la zone de colonisation par les vers de terre).
La présence de fourrages vivaces en rotation est essentielle pour créer la fertilité dans les systèmes de culture biologique, même sans animaux sur la ferme.
Les illustrations proviennent d’un document de Dr Athmann. Rohrschwingel c’est la fétuque élevée; Wegwarte, la chicorée.
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