
Date de publication originale : 6 janvier 2024
Même si tous les résultats ne sont pas encore disponibles, j’ai entendu le commentaire d’un agriculteur déçu de ne pas avoir de vers anéciques dans l’échantillon prélevé chez lui. Au Québec, on a deux vers qui appartiennent à cette catégorie : Aporrectodea longa, le ver à tête noire et Lumbricus terrestris, le grand lombric. Dans ses 525 prélèvements sur l’ensemble du territoire du Québec, John Reynolds a trouvé le premier dans 6% des cas et le considère infréquent, et le second dans 22 % des cas et le considère commun. Certains classent L. terrestris comme épi-anécique.
En agriculture, les vers anéciques ont des avantages (et parfois quelques inconvénients) : ils sont des agents de développement profond du sol car ils descendent profondément et entretiennent soigneusement des galeries permanentes qui améliorent la rétention d’eau et le drainage et diminuent le ruissellement. Ils fractionnent les matières organiques laissées en surface, les mélangent au sol pour former des agrégats stables, en laissent une partie en surface et enfouissent une partie, parfois dans des zones profondes où elle sera séquestrée. En général, ils accélèrent la minéralisation de l’azote et participent activement à la nutrition des cultures. Les racines empruntent ces galeries pour explorer le sol en profondeur. Voir les travaux de Athmann et ses collaborateurs dans les articles Approfondir le sol et Approfondir le sol en combinant racines et vers de terre et Racines dans les biopores des vers de terre : paresseuses ou actives?.
Comme les anéciques n’aiment pas être perturbés, ils sont parfois peu abondants sur des fermes de grande culture où le sol a peu de périodes de repos alors que sur les fermes d’élevage avec des prairies, ils sont généralement plus abondants. Cependant, ils peuvent être présents même si l’agriculteur n’en a pas trouvé lors de sa collecte pour identification. Lorsque les conditions sont très mouillées, ils sont fréquemment faciles à voir à proximité de la surface, sinon ils sont actifs en surface, surtout la nuit ou le matin très tôt. Durant la journée, ils descendent dans le sol. Cependant, les juvéniles sont moins vigoureux et souvent proches de la surface.
Les grands lombrics assemblent des débris organiques, parfois des petits graviers, dans des amas en mélange avec des déjections nommées turricules. Si la population est dense, on les observe à 10-15 cm de distance sur un sol non-perturbé. Voir l'article Jour de grosse pluie! Les vers sortent en surface. Ils peuvent n’être présents qu’à certains endroits sur une ferme. Si on observe ces amas en marchant nos champs, on peut déduire qu’ils sont présents. Note : À l'automne 2024 le même agriculteur a observé de nombreux amas de feuilles de soya après leur tombée; ces monticules sont une indication de la présence d'anéciques.
Dans les images (avec permission de, et remerciements à Kevin Butt) on voit des empreintes de résine dans des galeries de vers de terre. Les blanches sont branchées sur des drains souterrains et les oranges s’arrêtent probablement avant d’atteindre la pleine profondeur qui peut être surprenante.
Si on veut avoir plus d’anéciques sur la ferme, on fait quoi? À suivre.
Denis La France
Expert et enseignant en agriculture biologique
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